Elle se nourrit de savoir-faire anciens particulièrement ingénieux nécessitant une technicité et des tours de mains spécifiques. L’influence de la Mauritanie proche, élargit encore la palette des pratiques des traditions et des arts de vivre. Tissage, teinturerie, poterie, travail des métaux, du bois, du cuir, sont pratiqués par des castes héréditaires. Dans la recherche d’une meilleure qualité et pour faciliter l’écoulement des produits, la plupart des artisans sont regroupés en GIE.

Le fleuve permet d’accéder en pirogue « spécialisée » à la forêt protégée de Goumel.

Très proche de cette localité, la commune de Richard-Toll, bourgade bien active qui grouille de monde à tout moment, a conservé sa « Folie », étonnante bâtisse qui accompagnait un jardin d’essai voulu par le Baron Roger, gouverneur du Sénégal de 1822 à 1826.

A quelques encablures de la capitale industrielle du fleuve, la commune de Rosso Sénégal, ville frontalière qui vit au rythme des bacs et du commerce avec la Mauritanie. Jadis escale des voiliers et des chalands qui remontaient le fleuve, Rosso est aujourd’hui un poste frontière qui connaît une expansion remarquable. Elle est reliée à sa jumelle de l’autre rive : Rosso, la mauritanienne. Le commerce y est florissant et les échanges importants et réguliers entre le Sénégal et la Mauritanie. L’arrivée et le départ du bac donnent lieu à d’intenses activités hautes en couleurs et particulièrement animées. Rosso, la Sénégalaise, est au cœur de la zone d’agriculture irriguée. Des projets d’aménagements routiers à l’échelle de la sous-région ouest-africaine, confirment son rôle de ville frontière.

Accoudé à une rampe de protection installée par les douaniers sénégalais en vue de canaliser cette foule de commerçants qui viennent de Rosso Mauritanie, ce boutiquier maure, d’origine sénégalaise, âgé de 37 ans, laisse échapper un demi-aveu : « Je suis maure, mais je suis né au Sénégal, plus précisément, dans la région de Diourbel, mes parents sont originaires de Nouackchott et sont très conscients de l’intérêt particulier que j’accorde au Sénégal où j’exerce tranquillement mes activités commerciales. Je vais souvent en Mauritanie pour voir mes parents, chercher des marchandises que j’arrive à revendre sans difficulté dans la communauté rurale de Touba. Je veux que tout le monde sache que le Sénégal et la Mauritanie ont deux peuples frères, liés par des relations de sang et par la géographie. C’est la raison pour laquelle, je ne ferais jamais de différence entre ces deux pays ».

Passé commercial

Au-delà de ces cités, les paysages du département de Dagana, se différencient en deux milieux naturels typiques, notamment, le diéri, aride et sahélien et le Oualo, humide et cultivé. Depuis la route nationale 2, un parcours fléché vous propose un itinéraire riche en découvertes.

Appelée capitale du Oualo, Dagana fut fondée aux premières (années ???) de l’histoire ouolof. Le fort, construit en 1820, protégeait le commerce sur le fleuve Sénégal.

« Petite caserne entourée d’un quadrilatère de murs...on renforça plus tard cet ouvrage en élevant des bastions aux quatre coins du mur d’enceinte » (d’Anfreville de la salle). Mais les incursions des maures étaient fréquentes dans la région et la population hostile à la garnison française qui, pourtant, restait neutre malgré les agressions répétées perturbant les activités commerçantes.

Il faudra, selon le directeur du syndicat d’initiative et de tourisme de Saint-Louis, Ahmadou Cissé, attendre l’arrivée du capitaine Faidherbe pour que la situation change. Le commerce devint florissant et de belles maisons à la mode de Saint-Louis, furent construites le long des quais.

« On avait en 1852 planté des fromagers sur le quai construit devant le poste à la même époque... » (d’Anfreville de la salle).

Dagana, a rappelé ainsi, Ahmadou Cissé, fut un nœud routier et fluvial important, une escale incontournable pour les bateaux comme le Banny, le Ponty, ou encore le mythique Bou El Mogdad dont les sirènes résonnent encore dans la mémoire des gens du fleuve. Au 19e siècle, la crise de la gomme arabique fut fatale à son activité commerciale. Après l’indépendance, Dagana sortira de sa léthargie avec l’aménagement de territoires agricoles irrigués pour la culture du riz.

Entre le diéri et le oualo

En opposition à l’aridité du diéri, le fleuve Sénégal détermine la « bande verte » du Oualo, zone définie par les berges en pente douce du lit du fleuve et l’ensemble des cuvettes inondables. Ce sont des zones de sable, de limon et d’argile, recouvertes de forêts d’acacias niloticas ou de gonakiés. Ces terrains sont favorables aux cultures de décrue.

Le diéri, situé au-delà du lit majeur du fleuve Sénégal, au sol silico argileux, offre un paysage composé d’un tapis herbacé desséché, dès le mois de novembre, et d’arbustes épineux, essentiellement des acacias, dont l’espèce la plus courante est l’acacias du Sénégal. Il s’y développe une agriculture pluviale associée à la jachère. L’irrigation a modifié une partie de ces territoires. Plus à l’intérieur des terres, la zone des dunes de sable est toujours exondée.

L’agriculture est l’activité principale de la vallée, notamment, les cultures de décrue.

Tout ridé sous son chapeau de paille, la mine renfrognée, le visage rugueux et buriné par les intempéries, ce sexagénaire de Mbilor, localité située à quelques encablures de la commune de Dagana, nous jure, la main sur le cœur, que tous ses enfants qui étaient partie monnayer leurs talents sous d’autres cieux plus cléments, sont tous revenus au bercail. L’exode rural leur a donné de bonnes leçons et leur a permis de se rendre compte des potentialités hydro agricoles du delta et de la vallée du fleuve Sénégal. Aujourd’hui, a-t-il poursuivi, grâce aux revenus tirés de l’agriculture et de l’élevage, ils parviennent non seulement à subvenir à l’ensemble des besoins de la famille, mais ils ont surtout décidé de se fixer définitivement dans leur terroir.

L’élevage pastoral, renchérit Ahmadou Cissé, directeur du syndicat d’initiative, est traditionnellement pratiqué par les peulhs. Ils vivent en campements dispersés et transhument, pendant la saison des pluies, avec leurs troupeaux, à travers le diéri. Ils se regroupent vers le fleuve ou autour des points d’eau sur les terres en jachère du Oualo pendant la saison sèche.

La pêche sur le fleuve est exercée par les thioubalos (pêcheurs toucouleurs). Mais, dans les cuvettes, elle est compromise par les sécheresses successives de cette dernière décennie.

Les marchés traditionnels ou loumas sont nombreux et actifs. Ils offrent une grande diversité de produits.

La folie du baron Roger : Témoin d’une expérience agricole

De 1822 à 1827, le gouverneur Jean François Roger tenta d’exécuter le plan de Schmaltz pour la colonisation agricole. Pour entreprendre la recherche agronomique dans le Oualo, Roger créa un jardin d’essai dont la direction fut confiée au jardinier Richard, pivot de cette politique. Ce domaine, dénommé Richard-Toll (le champ de Richard en ouolof), comprenait des bâtiments, un chaland à avirons et à voiles, un four à briques, une noria, une bascule, une douzaine de bœufs, une trentaine d’ouvriers et un poste armé.

Dès septembre 1822, on y faisait pousser des bananiers, des orangers, des goyaviers, de la canne à sucre, des caféiers et des cotonniers. D’autres établissements furent installés à Dagana et Bakel. On attribua des concessions à des particuliers moyennant une indemnité annuelle, une caution et l’obligation de construire des habitations pour les travailleurs. Le gouvernement aidait par l’avance des graines, végétaux et l’acquisition des outils. Mais, malgré cela, la production des concessions était insignifiante du fait de la pression des peuples voisins qui se sentaient lésés par la présence des français dans le Oualo, du problème des terres qui avaient été cédées en toute propriété alors qu’elles appartenaient aux rois locaux, d’une pénurie de main d’œuvre liée au manque d’intérêt de la population pour une culture d’exportation, de la résistance des négociants saint-louisiens plus intéressés par le commerce de la gomme, du morphil et de l’or qu’à celui du coton.

Pour sécuriser le commerce et mettre en place une politique agricole orientée vers les produits d’exportation, de 1852 à 1865, le gouvernement français confia à Faidherbe, la conquête des Etats du fleuve qui devait mettre un terme aux guerres intestines et à l’invasion régulière des maures. En 1945, pour pallier le déficit alimentaire qui s’était particulièrement aggravé au Sénégal, l’administration française décida de produire du riz dans le delta du fleuve Sénégal. A Richard-Toll, de 1949 à 1957, 6000 hectares de terre furent dotés d’un système d’irrigation.

Quatre centres de culture furent mis en place ainsi que des établissements industriels pour la conservation, le stockage et la vente du riz. Exploité aujourd’hui par la compagnie sucrière sénégalaise, le périmètre de culture irriguée s’étend sur 12.000 hectares et produit 100.000 tonnes de sucre par an.

La CSS est la plus grande entreprise agro-industrielle et le premier employeur du pays avec 8000 salariés

Le colonat de Richard-Toll

En 1956, M. Mazodier, inspecteur général des colonies, proposa l’implantation d’un colonat dans le casier irrigué de Richard-Toll. « 400 ha de terre...pour la masse paysanne avec aide technique et matérielle pour faciliter à ces colons l’exploitation des terres ». Des organismes, proches des gouvernements français, pendant la colonisation, et sénégalais, depuis l’indépendance, se sont engagés à fournir les semences et l’eau d’irrigation, à procéder à la préparation mécanique des terres ainsi qu’au battage des récoltes. En contre partie de ces services, le colon s’engageait à verser une redevance. Malgré la salinité du sol, l’exclusivité de la riziculture et des revenus insuffisants, le colonat a pu se maintenir jusqu’à aujourd’hui, dépendant pour son approvisionnement en eau de la compagnie sucrière.